Chapitre VI

Chapitre VI

Ce n’était pas un rêve!

Gillmore s’endormit très vite, fatigué de son périple! Bien que sous la protection du YMIS, son voyage n’avait pas été de tout repos. Il aura fallut près de 9 jours en tout pour traverser le pays, passer les “checkpoints” , changer souvent de véhicule également pour ne pas trop se faire repérer. Parfois on pouvait suivre une voie ferrée, quelques rares trains circulaient encore, mais beaucoup de lignes étaient totalement désaffectées. La suppression des aides gouvernementales, l’impossibilité de prélever les impôts après le Crash financier de 2023, les restrictions de déplacement, avait contraint à la liquidation de la Société Nationale des Chemins de Fer. Mais il restait bien sûr des entreprises privées qui reprennèrent l’exploitation de certaines lignes lorsque la SNCF fut démantelée. Ils tentaient tant bien que mal d’assurer des liaisons essentielles pour approvisionner les concitoyens, mais cela leur permettait également de participer au contrôle des flux.

Dehors tout semblait calme, une nuit comme les autres ou presque. A quelques rues seulement de là se tramait un évènement inattendu. Ces derniers temps la capitale était agitée et dans le milieu on était en effervescence. Des groupuscules réfractaires tentaient d’enrayer le système établi. L’enjeu était de prendre le contrôle des réseaux de communication. Celui ou celle qui contrôlerait les noyaux de diffusion, prendrait un avantage important dans la lutte qui opposait le pouvoir en marche et les résistants du FreeWorld, alors la lutte devenait plus intense. Elle devenait plus intelligente aussi, fini les rassemblements à quelques milliers avec banderoles et saccages de commerces ou de symboles de la mondialisation. Non des groupes organisés, autonomes, avec des missions minutieusement préparées, harcelaient en ciblant les points névralgiques comme les relais, les centrales et le réseau dans son ensemble. Et cette nuit cela se passait tout près de là!

John avait un sommeil de plomb, il faut dire que depuis que Karry était partie il se shootait un peu, pas d’anti-dépresseurs non, juste un truc pour mieux dormir “Stilnox” . Pas très recommandé comme produit, mais connu et efficace, jusqu’au jour où l’on voudrait pouvoir s’en passer. Mais voilà John avait une blessure à l’âme et guérir d’amour lui prendra du temps. Pour le moment il dormait profondément et sa c’était important pour lui. Gillmore avait le sommeil plus léger, toujours sur le qui-vive, prêt à partir, son BOB à côté du lit. Il n’avait pas de souci pour s’endormir, lui! Non au contraire il était connu pour dormir dans toutes les conditions et surtout pratiquait les micro-siestes depuis son adolescence. Rompu à cette technique il était capable de récupérer une heure ou deux de repos en seulement quelques minutes. Il ne prenait jamais rien pour dormir contrairement à John.

Il est 4h57, un bruit sourd se fit entendre, il déchira la nuit le temps d’une respiration. Gillmore sursauta dans son lit, il se redressa vivement et attrapa son portable. Il regarda l’heure et se dirigea vers la petite fenêtre de la chambrée en s’éclairant avec la lumière bleutée de l’écran de son smartphone. Que venait-il de se passer pensa-t-il? C’était plus fort qu’un coup de feu, on aurait dit une explosion. John l’avait-il entendu également? Il ne pensait pas à le réveiller, non, mais il restait là à scruter une lueur éventuelle, un signe, une suite peut-être? Il n’en était rien, les minutes passèrent pas un bruit, pas une lumière dehors pour trahir la nuit. Gill n’était à vrai dire pas surpris ou inquiet. Il savait que cela devait se passer ainsi, la lutte pour retrouver le chemin de la liberté était à ce prix, au prix des explosions, au prix d’une guérilla longue et difficile. Il était de la partie.

Finalement il décida de se recoucher, il n’était que 5h du matin et le jour n’allait pas se lever avant 3 bonnes heures. Il se rendormit aussitôt! Mais c’était quoi cette explosion, pensait-il? Un petit groupe de quatre hommes traversaient la rue en courant, en tenue de camouflage et cagoulé, on pouvait distinguer l’un d’entre eux portant un sac dans le dos, un autre ce qui semblait être une arme de poing. Les deux autres étaient équipés de fusils d’assaut, le premier ouvrait la voie, le second fermait la marche. Ils avançaient sûrement et d’un pas léger à la fois. Rien ne semblait pouvoir les arrêter, c’est sûr ils ne venaient pas là au milieu de la nuit pour découvrir le pays. C’étaient à coup sûr des gars entrainés et déterminés dans leur mission. Ils avaient un but, une lutte à mener, un destin à accomplir. Qui pouvait en douter, qui n’aurait pas souhaité être à leur place pour défendre la liberté et prétendre à un monde plus juste un jour. L’objectif était en vue, une antenne relais de dernière génération de type 5G avait été érigée en plein milieu du Parc.

Cela remontait au temps du confinement, des autorisations d’implantations avaient vu le jour au beau milieu de l’état d’urgence. Bien entendu cela accéléra le déploiement de cette technologie peu connue et si controversée avant même son utilisation. Dix ans plus tard on connaissait les ravages causés, il n’était pas possible de se tenir à moins de 100m d’une de ses antennes, le rayonnement était trop intense, la faune et la flore en étaient affectés également. Mais surtout elles servaient à contrôler les foules, l’usage de certaines fréquences combinées aux nanos technologies permettait d’intervenir sur la capacité de résistance. On pouvait même agir sur la chaleur corporelle et ainsi contrôler tout désir de révolte en tenant à distance ceux qui voudraient manifester contre le pouvoir établi. C’était ce qu’il y avait de pire, il fallait donc agir.

Les quatre hommes arrivèrent à hauteur de la grille du Parc du Château de LAVY, elle était fermée. Ils avaient tout prévu, très vite à l’intérieur ils se dirigèrent vers ce qui était supposé être le relais. En effet chaque antenne relais se fondait dans le paysage et celle-ci représentait un arbre, en l’occurrence un épineux, un pin parasol de près de 10m de haut. Un pin parasol en plein Paris, me direz-vous, eh! oui le réchauffement climatique est passé par là et cette espèce méridionale s’est très bien acclimatée. Une dizaines d’entre eux avaient été plantés là en plein milieu du parc et l’un d’entre eux n’était qu’une pâle copie. Ils n’eurent pas trop de mal pour le repérer. Très vite N° 4 déposa son sac, il en sortit un engin explosif artisanal. Il fixa la charge sur ce qui ressemblait à un tronc , son téléphone faisant office de détonateur, il avait le temps avec ses coéquipiers de filer et de ne pas se trouver sur place au moment de l’explosion, il était 3h30 du matin. Cela leur laissait le temps de se mettre à l’abri. Ni vu, ni connu. Gillmore se retourna dans son lit, il était à peine 6h, non ce n’était pas un rêve!