Chapitre IV
Nom de code : MERITXELL
John déposa le BOB sur la table. Il n’était pas trop lourd, ni trop grand, ni trop petit, un sac à dos noir avec beaucoup de petites poches sur les côtés. Il se demandait ce qu’il pouvait bien contenir maintenant que Gillmore s’apprêtait à l’ouvrir. Il était impatient, peut-être contenait-il un remède miracle pensa-t-il ! Ou au contraire une technologie révolutionnaire permettant de détecter les nano drones qui empoisonnaient leur vie en surveillant les faits et gestes des bons-citoyens. Ou tout simplement du miel, il était devenu si rare, même introuvable dans certaines régions. Non il a trouvé une “Reine !” Une Apis Mellifera !, John lança : “Alors Gill, c’est quoi ?”
Gillmore ouvrit une des nombreuses poches latérales et plongea sa main au fond du sac pour en retirer une petite pochette en plastique transparent. Visiblement c’était pour protéger son contenu. Il ouvrit soigneusement la pochette en question, elle contenait des petits bouts de papier méticuleusement pliés. On pouvait voir sur chacun d’eux une inscription au crayon rouge, une ou deux lettres suivies de chiffres et parfois un caractère spécial, comme s’il cherchait à faire en sorte d’être le seul à pouvoir en identifier le contenu. Il prit l’un d’eux le déplia délicatement, au milieu du petit bout de papier se trouvait de petites graines rondes et noires. John ne savait pas ce que c’était, cela ressemblait à des petites billes, il avait bien sûr compris que Gillmore lui montrait des graines, mais lesquelles ?
Il était devenu indispensable de sauvegarder des semences. C’était plus qu’une simple question de survie. En effet les derniers groupes financiers avaient non seulement mis la main sur les semences, mais leurs mastodontes industriels s’étaient organisés pour rendre toutes les plantes stériles. La biodiversité en avait été fortement affectée. Beaucoup d’espèces avaient littéralement disparues, ou alors il ne subsistait parfois que de rares plants. Les plus chevronnés avaient fait de la résistance, mais le combat était inégal. Du matin au soir les médias dits: “Sources sûres et officielles” diffusaient leurs “Fake-news”, toute tentative de critiquer ou de remettre en question était considérée comme complotiste; c’était le monde à l’envers !
John demanda à Gillmore : “Qu’est-ce que c’est ?”, “Ce sont des graines de Canna, certaines sont rouge d’autres donnent des fleurs de couleur jaune. Elles mettent du temps à germer, mais elles poussent vite fleurissent rapidement et donnent des graines toute l’année.” Répondit fièrement Gillmore. “Mais quel est son intérêt, puisqu’on ne peut pas les manger ?” Demanda John. “Tu as raison, mais c’est beau de les voir en fleurs, moi ça me donne de l’espoir et puis c’est un acte de résistance mon vieux !”. Mais Gillmore avait d’autres graines. “Tu sais j’ai pu récupérer des graines de l’arbre de vie, le Moringa Oleifera, regarde.” Il déplia un autre papier à peine plus gros que le premier, il ne contenait que quatre graines. Mais ô combien précieuses celles-ci. En effet une fois plantée on obtenait au bout de quelques mois un petit arbuste dont on pouvait consommer les fleurs et les feuilles. Plus on coupe ses branches et plus vite il pousse. Il peut atteindre 6m en une année. Les gousses se consomment cuites si elles sont cueillies vertes . Il portait bien son nom, il portait la vie !
“J’ai remarqué une inscription sur ta pochette !” dit John l’air interrogatif. En effet Gillmore avait noté en majuscule d’imprimerie “MERITXELL” sur le haut de l’étui transparent. Depuis qu’il s’était converti au survivalisme, il avait pris l’habitude de marquer tout ce qui lui appartenait. Ainsi il datait, nommait et inventoriait son matériel, ses réserves, ses outils ou objets précieux. Gillmore avait développé non seulement un grand sens de l’organisation, mais était devenu un spécialiste de la survie et du rationnement des ressources. Il était ingénieux et créatif, cela remontait à l’époque où il était à l’armée, mais aussi du fait qu’il avait de l’expérience et une conscience élevée que la nature était précieuse et qu’il fallait en prendre soin; mais surtout parce qu’on n’avait plus trop le choix, tout était devenu si rare !
Gillmore s’amuse parfois à détourner le sens des mots. C’est pour lui comme un jeu, il identife certains objets avec des mots, des anagrammes ou des prénoms. Lui seul alors connait le véritable sens et cela lui permet d’induire les éventuels ennemis du “Free-World” en erreur. Une véritable lutte c’était petit à petit installée entre ceux qui, complices du système, menacaient le vivant et ils étaient déterminés; et ceux qui se battaient pour un monde libre.
Pour le sachet de graines il avait choisi de lui donner un prénom catalan “Meritxell”, qui signifie “Celle qui saisit, celle qui s’empare”. Gillmore avait toujours été sensible aux idées indépendantistes du peuple catalan. Il avait suivi avec attention le combat des Barcelonnais, cela remontait à l’époque où il était basé à Collioure. Bien que, engagé dans le fameux CNEC(1) en tant que commando de marine, il luttait déjà pour la liberté et combattait toute forme d’oppression ou d’obscurantisme. Gillmore n’était pas un subversif ou un anarchiste, non, il avait tout simplement l’âme d’un révolutionnaire.
(1) CNEC: Centre National d’Entrainement Commando à Collioure Pyrénées Orientales.